Le tribunal de Marseille va dire ce matin si l'ancien président du club est condamné. Une décision lourde de conséquences dans un climat déjà empoisonné.

L'OLYMPIQUE de marseille a beau jouer en bleu et blanc, c'est un nuage noir qui plane sur la Commanderie, le siège du club, niché sur une hauteur de la ville. Le procès des transferts suspects réalisés dans la période 1997-1999 avait permis de lever un coin du voile sur les turpitudes du plus prestigieux club français. Dans la cité phocéenne, le jugement est attendu ce matin avec une certaine angoisse.

En mars dernier, pendant trois semaines, la justice avait mis au jour les singulières pratiques des dirigeants de l'époque. Au premier rang, le milliardaire Robert Louis-Dreyfus, actionnaire principal du club. Face à lui, une myriade d'agents de joueurs. Au centre de l'affaire : les transferts de quinze joueurs mêlant d'obscures sociétés offshore, des montages financiers inextricables et des interventions d'agents agréées ou pas.

Achats de joueurs hors de prix

Le président de la 6e chambre du tribunal correctionnel, spécialiste des affaires financières, avait eu les pires difficultés à comprendre les mécanismes. D'une part, les astuces pour verser des centaines de milliers d'euros à des internationaux (Laurent Blanc, Christophe Dugarry, Fabrizio Ravanelli) et échapper aux impôts en France. Mais surtout les achats hors de prix de très jeunes joueurs étrangers qui n'ont souvent pas effectué plus de trois ou quatre matchs sous le maillot de l'OM avec, à la clé, des commissions faramineuses pour les intermédiaires.

Au terme des débats, le procureur Marc Cimamonti avait requis de lourdes peines contre les 14 prévenus – dont trois à quatre ans de prison avec sursis et 375 000 euros d'amende contre Robert Louis-Dreyfus et deux ans ferme contre l'ex-entraîneur Rolland Courbis. La sévérité du ministère public avait surpris. D'abord, parce que le procureur de la République de Marseille avait, à la surprise générale, organisé une conférence de presse, le jour de l'ouverture du procès, pour expliquer que «le rôle social du club» serait pris en compte dans les réquisitions, soulignant que dans cette ville, «l'OM a un statut particulier». Un adage ethnographique local veut en effet que le club soit un des ferments de la paix sociale et de l'ordre public. Ensuite, parce que Robert Louis-Dreyfus avait carrément menacé de quitter l'OM en cas de lourde condamnation personnelle. Or «RLD» est aujourd'hui le seul garant de la pérennité du club. Il a de surcroît des intérêts dans d'autres secteurs économiques de la ville.

Personnages sulfureux

Pendant cette veillée d'armes judiciaire, les rumeurs se sont mises à foisonner. Derniers épisodes en date : quatre plaintes déposées par des joueurs pour le vol à leur domicile de leurs voitures de luxe. Le dernier est Mamadou Niang qui s'est fait dérober dans sa villa, pendant qu'il dormait, son 4 X 4 et sa BMW. La même mésaventure est arrivée à Fabien Barthez, Christophe Déhu et José Delfim. Des rumeurs insistantes lient ces délits à du racket sur les joueurs. En clair : «Tu payes ou on te plume chez toi.» Ces hypothèses courent depuis des semaines mais les joueurs n'ont pas encore été interrogés.

Fin avril, on racontait une autre histoire sur le Vieux-Port : l'entraîneur Jean Fernandez aurait été menacé à son domicile par un membre de la famille de Thomas Deruda, 19 ans, qui vient de signer son premier contrat pro. Le coach aurait été mis en demeure de faire jouer le «minot» pour augmenter sa «valeur». Deruda a joué des matchs européens... et Jean Fernandez a quitté l'OM à la fin de la saison, sans plus d'explications qu'«une divergence de caractère». Il devrait être entendu prochainement comme témoin.

La présence de personnages sulfureux autour de l'OM est avérée. Ainsi, RLD n'a jamais expliqué pourquoi il s'était rendu en avril 2002 chez le très discret septuagénaire Roland Cassone près de Marseille, un proche de Jacques Imbert dit Jacky le Mat. On peut aussi constater l'activité lucrative de Jean-Luc Baresi, agent de plusieurs joueurs marseillais. Son casier est vierge mais il avait été mis en examen pour «tentative d'extorsion de fonds et menaces de mort» à la suite de la disparition d'Edmond Goubert, l'un des patrons du port de Marseille. Ses deux frères sont des caïds réputés. On évoquera aussi Gilbert Sau, déjà condamné dans une affaire d'escroquerie.

Selon le préfet délégué à la sécurité de Marseille, Bernard Squarcini, «des vérifications sont en cours car ces rumeurs prennent une ampleur démesurée». Il ajoute que le club devrait faire preuve de plus de transparence. «Sur ce point, il faut peut-être que cela change à l'OM», conclut-il.

(le figaro)